Témoignage
Par Aude.R
Portrait N°3
Sylvie
On dit très souvent que le hasard fait bien les choses...
Je m’appelle Sylvie, je suis née le 24 octobre 1965 à Pleurtuit.
Ma mère m’a toujours dit que j’étais née à la Sagesse ‘’ancien Hôpital
fermé fin d’année 1967, deux ans après ma naissance’’.
Cet Hôpital avait un tout petit service-maternité.
Les souvenirs de ma petite enfance restent heureux.
Heureuse jusqu’à l’âge de mes 9 ans et demi, où l’on découvre
à mon papa une forme de cancer. Il décèdera en juin 1978.
Mon papa représentait pour moi, l’amour, l’affection sans limite d’un
père, mon père. Il était tout simplement aimant à mon égard.
Quant à maman, j’ai toujours eu beaucoup de mal à l’appeler maman.
Je ne comprenais pas pourquoi j’avais cette difficulté. Une gêne s’installait en moi, presque entre nous deux. Nos rapports étaient plus distants mais elle était ma maman. Elle avait vécu le malheur de perdre son premier enfant.
Lors de certaines conversations, elle me disait qu’elle aurait préféré avoir un autre un garçon, qui aurait « remplacé » celui perdu. Elle m’a répété cette phrase plusieurs fois sans vraiment m’en dire davantage, sans vraiment réaliser non plus l’impact sur moi de ces paroles. Des regrets, des chagrins biens étouffés, biens gardés.
Lorsque je regardais les photos de mon grand frère décédé, ou bien les miennes quand j’étais bébé, j’avais des questions bien entendu, sur nos ressemblances mais également sur ma naissance, sa réponse était toujours, non, ne me parle pas de tout ça, je n’aime pas y repenser ... Cela ne me paraissait pas anormal, mes parents avaient subi un traumatisme important lors de la disparition de leur fils. Pourtant, comme tout adolescente, je cherchais des repères familiaux mais, elle refusait de repenser à son absence. Maman était fille unique contrairement à papa qui avait plusieurs frères et sœur et donc pour moi, des cousins et cousines. Pour moi cette famille était le seul lien vivant qui restait de papa, et le souvenir de vacances heureuses où tout le monde était encore rassemblé.
Comme je le disais plus haut, la vie n’est pas un long fleuve tranquille.
Mon mari décède le, 15 juillet 2019 et durant cette période douloureuse, trouble pour moi, le notaire vient à la maison le 20 août pour aborder la succession. Au travers de notre discussion on échange des papiers, puis stupeur !
Je découvre, je lis sans vraiment réaliser... Adoptée par Monsieur et Madame...... L’extrait de mon acte de naissance que le notaire avait besoin avec les mentions marginales.
Ce fût un choc et questionnement, l’incompréhension, je cherchais l’explication du mot, adoptée. Je me disais qu’il s’agissait d’une erreur administrative. Je reste 2 mois troublée, à essayer de comprendre, à chercher des explications, je me torture l’esprit. N’y tenant plus je demande au notaire de m’envoyer la copie de mon acte qu’elle m’adressera aussitôt par e-mail. Je le lis, relis sans je pense vouloir me rendre à l’évidence, j’étais devant le fait réel d’une adoption et là, je m’effondre en larmes, perdue, avec un sentiment de solitude et cette difficulté à réaliser.
Personne ne m’avait avoué cette vérité, rien ne me laissait penser que j’avais été adoptée. J’avais des ressemblances avec ma mère et mon père, je m’identifiais à eux totalement, encore aujourd’hui d’ailleurs, car je n’ai aucun ressentiment à leur égard mais d’apprendre mon adoption de cette façon c’est choquant, traumatisant, tous mes repères s’effondrent, un vide. On se demande ce qui nous tombe dessus, pourquoi, qu’avais-je fait pour mériter cela après déjà toutes les souffrances vécues.
La question que je me pose après avoir encaissé le coup de la nouvelle, je fais quoi ? Je reste dans le questionnement sans savoir ? JE SUIS QUI ? La voilà la question qui me taraude sans cesse !!! La recherche de mes origines devient donc le but du reste de ma vie. Comme une évidence. Pour moi, mes enfants et petits-enfants qui ont envie de savoir. Je suis prête désormais à tout affronter, tout entendre, le bien et le mal. Mais je ne m’attendais pas à la difficulté de la tâche !
Mes premières démarches se sont orientées en premier vers l’ASE de mon département de naissance ainsi que dans celui où a eu lieu mon adoption qui me répondent qu’il n’y a pas de dossier à mon nom.
J’ai envoyé une demande de copie de mon dossier d’adoption aux archives du tribunal de grande instance de la ville où mon adoption a été validé, accompagnée de la copie de mon acte de naissance, livret de famille ainsi que la copie de ma pièce identité en expliquant au travers de ma lettre que je savais que j’avais été adoptée. A cette suite j’ai reçu pour seul document, la copie de mon jugement d’adoption, et rien d’autre.
Je découvre alors que j’ai été recueilli, 3 jours après ma naissance, et que je suis née de parents non dénommés….
Je suis née fin octobre 1965. La première demande d’adoption date de 1967 et celle-ci a été officielle en avril 1967. Il aura fallu deux ans de discussion…. Bien long tout ça !!
J’ai poursuivi mes démarches auprès de diverses administrations et services.
Après plusieurs tentatives j’ai pu obtenir (enfin c’est un bien grand mot) mon certificat de baptême en date du 28 octobre 1965. Je découvre ainsi que mon parrain et marraine que je connaissais n’étaient que des officieux. Ma vraie marraine est une demoiselle qui travaillait à la Sagesse et j’apprends que je n’avais pas de parrain. Ce document, l’évêché refuse de me le transmettre et de savoir que je ne peux ni le récupérer ni le lire ç’est frustrant. C’est ma vie, cela ne concerne que moi. Donc là, je me retrouve, avec rien « un certificat de baptême, copie manuscrite. Idem avec mon acte de naissance original, impossible de l’avoir, ce sont quand même des papiers propres à notre histoire, je souhaite ne serait-ce que les lire !!
Le procureur de la République m’a conseillé de m’adresser au CNAOP, ce que j’ai fait au mois de mars mais pour le moment pas de nouvelle, je les ai relancés fin juillet, rien, je vais retenter en septembre.
L’hôpital de la Sagesse était géré par une congrégation : « les Sœurs de la Sagesse », je n’arrive pas à savoir où sont les archives médicales pour récupérer mon dossier de naissance, il existe bien des archives en Vendée mais elles ne concernent que le patrimoine historique.
Au mois de janvier j’ai envoyé un email à la FFA, réponse par e-mail, rien non plus.
Les œuvres de l’adoption de Paris, réponse : Pas d’archives.
Je n’ai jamais rien retrouvé comme documents chez mes parents adoptifs. Je sais maintenant que j’ai été adoptée, point.
Ase, mairie, procureur, quelques œuvres privées, CNAOP, tout me semble perdu, je ne sais plus vers qui me tourner pour trouver quelque chose, tout me parait fermé, c’est l’omerta sur les dossiers d’adoption en France.
J’ai fait deux tests ADN, Myhéritage, 23andme, mon fils aussi. Il en ressort une grande part d’origine anglaise, 45% 23andeme et 64% Myhéritage Britannique.
Le regard que je porte sur mes propres enfants me peine pour eux du fait de ne pouvoir rien leur transmettre. Ils ont découvert la nouvelle en même temps que moi, eux aussi sont en perte de repères. La perte de leur papa a été difficile puis, il y a moi, leur mère qui voudrait connaitre comment je suis venue au monde.
Ce devrait être un devoir de savoir d’où l’on vient, notre histoire nous appartient, alors pour le moment, j’en suis réduite à des questions, des questions, des questions. Nous les adoptés sans réponse à nos questions bien légitimes, nous sommes comme un arbre déraciné, on le laisse tombé à terre à la place de lui mettre un tuteur pour qu’il se redresse et continué sa vie paisiblement. On ne sait pas comment tout ça a pu s’organiser et il me faut vivre, avancer avec des interrogations plein la tête. Je ne prends pas ça comme un boulet, j’aurai pu mal tomber, j’ai reçu une bonne éducation je n’ai manqué de rien auprès de mes parents. Mais quelle raison a fait que j’ai été adopté ?
Et ces administrations qui ferment les portes partout...
Je souhaite pour mes enfants et pour moi que nos questions ne restent pas sans réponses.